Journaliste, autrice de livres sur la nature (dont Se ressourcer avec les arbres), Marie Martinez a été chroniqueuse littéraire pour Le Margouillat et continue à partager ses lectures sur son blog L’avis textuel de Marie M. Elle a publié les nouvelles Plaid dans Kanyar n°1, Train, dans Kanyar n°2, Âme sœur dans Kanyar n°3, Trouble dans Kanyar n°4, Clos dans Kanyar n°5 et Herbes folles dans Kanyar n°6 et Orage dans Kanyar n°7.
" Les secrets n'étaient pas cachés : ils attendaient que quelqu'un ait envie de ranger la bibliothèque."
Plaid de Marie Martinez.
Kanyar n°1. Sous un plaid, la narratrice évoque pour son compagnon l’exposition d’une photographe qui met en scène une enquête généalogique sur ses origines. Cette enquête se transforme pour l’artiste et par ricochet pour la narratrice, en quête de soi. Car le dialogue avec l’amoureux sous le plaid interfère sans cesse avec le récit de la recherche de l’artiste et livre par bribes la personnalité de la narratrice. Par cette construction enchâssée du récit au style journalistique et du dialogue livrant les réflexions et interrogations de la narratrice, Marie Martinez nous invite à ouvrir les tiroirs de la mémoire et du souvenir. Agnès Antoir |
" Je n'aime pas regarder en arrière, mais c'est plus fort que moi : les souvenirs débarquent tout seuls dès que je m'arrête."
Train de Marie Martinez.
Kanyar n°2. C’est en train que voyage la narratrice, dans sa nouvelle robe à pois façon Corolle, la création du couturier Dior. Car, on est après la Libération et on roule dans un nuage de fumée entre Nice et Antibes où Gaston doit l’attendre avec sa casquette Prince de Galles. Le train, c’est pour elle la liberté, l’espace de tous les possibles où entre sourires et pleurs elle fait le bilan de cette mauvaise vie qu’elle voudrait bien oublier. Sur fond sépia, Marie Martinez, dans une écriture grave teintée d’humour, nous invite à travers le monologue intérieur de cette jeune femme, à réfléchir au déterminisme qui semble parfois conduire nos vies. Agnès Antoir |
" J'entrevoyais la réalité mais je la tenais - autant que possible - à distance."
Âme soeur de Marie Martinez.
Kanyar n°3. Plus que le récit de la douleur qui accompagne la mort prématurée d’un être aimé – la sœur aînée de la narratrice – Âme sœur raconte surtout ces liens confus qui perdurent entre celui qui reste et l’absent. Comme un dialogue à la limite du réel, qui s’installe avec le disparu et finit par faire accepter le deuil. Marie Martinez qui nous a habitués, dans ses précédentes nouvelles, à ces introspections qui dévoilent la fragilité des êtres, dit ici avec justesse la difficulté de vivre après la disparition de l’autre et paradoxalement sa présence consolatrice. Agnès Antoir |
" Je dors en pointillés ; je rêve en brindezingue. "
Trouble de Marie Martinez.
Kanyar n°4. C’est un monde « tout de travers » que nous raconte ce grand-père de quatre-vingt-six ans — au moins. C’est sa vie quotidienne de retraité, ancien immigré qui a passé sa vie dans les vignes, entouré maintenant de sa femme et de sa famille, bien agaçante de le traiter comme s’il était un enfant, dans une maison où tout change de place, où l'on cache les bonnes choses dans des placards. On lui reproche d’avoir faim à toute heure, de vouloir sans cesse grignoter, d’avoir des obsessions, de ponctuer toutes ses phrases de « Holalola ». Mais c’est que le temps passe lentement, que le corps se déglingue et que son entourage est bien étrange ; et il s’inquiète, s’embrouille, se trouble. Un ton guilleret pour dire, de l’intérieur, l’angoissante maladie d’Alzheimer. Occasion de jeu de mots, d’invention de « mots valises » aux belles sonorités. Un texte de Marie Martinez tout en finesse pour une observation affectueuse des malades. Agnès Antoir |
" Elle rêvait d'un souterrain qui partirait de la cave et la conduirait loin, à travers les galeries profondes et secrètes de la ville."
Clos de Marie Martinez.
Kanyar n°5. En plein été, « Elle » abandonne ses bagages à la gare et se retranche dans un appartement fermé pour les vacances. Ne faire aucun bruit, ne pas se signaler dans cette cachette où elle a trois semaines de répit pour surmonter une fatigue et une douleur immense, pour trouver que faire, comment s’en sortir, devenir autre… Dans cette nouvelle, Marie Martinez explore avec finesse et de l’intérieur, les profondeurs de la douleur qui poussent les êtres malheureux au repli. L’originalité de cette introspection c’est qu’elle est menée dans un récit qui ménage le suspense et dont la chute est surprenante, sans pour autant tout dévoiler et mettre un point final à nos interrogations. Ce qui rend plus prégnant le sentiment d’angoisse que l’on partage. Agnès Antoir |