Edward Roux a publié Les garçons dans Kanyar n°1, La prodigieuse existence du narrateur dans Kanyar n°3, La vie d’un philosophe dans Kanyar n°4, Le soliste élégant dans Kanyar n°5 et Une de ces aventures étonnantes dans Kanyar n°6. Il a collaboré aux revues indépendantes Exot/Ek Zot et Vois à l’île de La Réunion. Il a notamment publié Le taureau figé et Trame (éditions Fleurs du mal) à Nîmes. Il a écrit des textes à propos de travaux d’art plastique de Jack Beng-Thi, d’Henri Maillot, de Stéphanie Hoareau. Il a donné La cour, un local universel pour le volume Paysages fertiles (éditions des Beaux-Arts de La Réunion). Avec le groupe d’Henri Maillot, il a participé à des œuvres plastiques pour la faculté des lettres de Saint-Denis à La Réunion. Il a écrit une postface pour la pièce Émeutes (Grand Océan) de Pierre-Louis Rivière au Théâtre Vollard. Et une pour Pok pok de Christian Jalma.
" Elle a les cheveux courts, le corsage blanc, la jupe en vichy, ses ballerines sont comme des ailettes sur les flancs du scooter. "
Les garçons de Edward Roux.
Kanyar n°1. « Les garçons » ce sont les kanyar de Nîmes, une bande de copains un peu voyous, un peu perdus, marginaux qui gravitent autour d’un certain Thomas que le narrateur a connu un jour. Comme dans la « vraie vie », les uns apparaissent puis disparaissent du récit. Une rencontre en appelle une autre sans qu’on entrevoie précisément leur rapport. Juste des postures, des répliques qui ouvrent des perspectives sur des univers étranges, étrangers au narrateur lui-même. Ainsi se crée un mode de vie, une ambiance qui unit tous ces personnages. Collant à la discontinuité de ces amitiés, l’écriture heurtée cherche en permanence l’équilibre en déconstruisant les phrases, cassant la syntaxe. Il ne s’agit pas de reconstruire le réel mais d’en saisir des bribes dans leur instantanéité et l’on trouve au détour d’un phrasé volontiers chaotique, des pépites stylistiques. Agnès Antoir |
" L'existence réclame une attention exacerbée, l'effort de choisir le bon trait dans le fatras environnant, et surtout, une fois les objets définis par le cerne, la capacité de les lier entre eux pour qu'ils s'exaltent, comme des notes dans la musique. "
La prodigieuse existence du narrateur de Edward Roux.
Kanyar n°3. Edward Roux convoque Kant pour éclairer de sa philosophie de l’existence les sept chapitres de sa nouvelle au titre épique, sept comme les sept travaux d’Hercule auxquels Mistral comparait son héros Calendal amoureux d’Estelle, sept comme les « Félibres », les sept poètes fondateurs du Félibrige, auteurs de la nouvelle loi poétique de langue occitane. Car le narrateur dans ses errances peut négliger l’origine de sa destinée – elle peut tenir du hasard – mais il doit consigner les traces de ses amitiés et de ses amours qui disparaissent de la vraie vie. C’est ce à quoi, l’auteur- narrateur se consacre, prenant prétexte d’une recherche sur le Félibrige, commandée par un libraire militant occitan. Comme Pantagruel en quête du Pantagruelion, le narrateur va seul ou avec ses compagnons, de bibliothèques en virées en voiture dans les villages provençaux, de musées en cafés ou en promenades sous les platanes. Selon les étapes et ses rencontres, dans des strates temporelles différentes qui parfois se superposent, il nous livre en vrac ses échanges de courrier avec le libraire, ses conversations linguistiques avec son ami sur la polysémie du mot félibrige, une autre sur les violettes, sur les repas partagés par Mistral et ses amis amateurs de bons vins, une altercation avec des policiers, ses émotions esthétiques par le truchement d’un tableau de Van Gogh ou Yash Godebski. Dans un joyeux désordre où les références à Mistral abondent avec en contrepoints des références contemporaines décalées, émergent de belles figures féminines comme celle de Marie - son Estelle ? - dont l’éphémère beauté perdure, en cristallisant d’autres, dans la mémoire du narrateur. Mais finalement le narrateur-auteur aussi se dédouble et voit sa mort racontée, c’est pourquoi l’auteur doit aussi consigner les faits et dits du narrateur ou sa prodigieuse existence. Agnès Antoir |
" Je ne sais pas exactement quand j'ai commencé à vouloir connaître l'odeur des fourmis."
La vie d'un philosophe de Edward Roux.
Kanyar n°4. Le philosophe tire de sa vie la plus prosaïque, matière à philosopher. Il peut, par exemple, dans ses toilettes, s’intéresser à l’infiniment petit mêlé aux balayures, la fourmi, et observer l’araignée sa prédatrice. Partant de cette expérience, il peut alors remonter aux autres histoires de fourmis — certaines dérangeantes — qui ont jalonné sa vie et dérouler les connaissances sur ces insectes qu’il tient, vraies ou fausses, du grand philosophe du Criticisme et de griots africains ; puis retrouver leurs représentations dans les arts et les mythes pour revenir finalement à l’observation de différentes espèces de l’océan Indien à la Provence. Les mêmes fourmis semblables aux hommes quand ils sont vus des cieux, de l’infiniment grand. Le don, la biographie, la formation, l’œuvre et le train-train : cinq chapitres pour construire par petites touches inattendues et quelques grains de philosophie, un éloge paradoxal. Agnès Antoir |
" Quand elle m'a quitté, elle a effleuré le côté droit de ma moustache."
Le soliste élégant de Edward Roux.
Kanyar n°5. Quelque part du côté de Nîmes, le narrateur se prépare pour aller jouer dans l’orchestre monté par un de ses amis pour accompagner une chorale. Un service qu’il rend : il s’agit juste de donner quelques coups de cymbales. Mais comment s’habiller pour être élégant et comment assumer ce rôle improvisé de soliste, sur une partition d’Haydn alors qu’il écoute du Coltrane ? Cette petite aventure musicale qui le conduit d’églises en églises dans les villages de Provence, est surtout l’occasion de se remémorer des instants de vie, bribes de voyages, de rencontres, plaisirs et émotions esthétiques. Bref, avec son écriture pointilliste, le narrateur–auteur, Edward Roux, nous fait entrer dans les méandres de sa pensée et de ses réflexions. Une manière légère et décousue de philosopher, avec de très beaux passages — sans nostalgie — sur le temps qui passe. Agnès Antoir |