André Pangrani (1965-2016) était rédacteur, scénariste de bande dessinée — sous le pseudonyme d’Anpa — et éditeur de bandes dessinées réunionnaises (Centre du Monde), cofondateur de la revue Le Cri du Margouillat, créateur du Marg, rédacteur en chef du mensuel satirique réunionnais Le Margouillat et président du Théâtre Vollard de 1995 à 2002. Deux recueils de ses œuvres complètes Un galet dans le pare-brise et Le Major contre le gang des Canotiers blancs ont été publiés en 2018 par Les Amis de Kanyar. Ses nouvelles Une île, immonde et Un galet dans le pare-brise ont été publiées dans Kanyar n°1, Pioupiou dans Kanyar n°2, À voix haute dans Kanyar n°3, La joue déchirée dans Kanyar n°5 et Le travail d’Éléonore dans Kanyar n°6.
" Elle ne bronzait pas sur cette île, elle brûlait, elle gonflait."
Une île, immonde de André Pangrani.
Kanyar n°1. Quintilienne n’en peut plus de cette chaleur humide, de cette agitation, de ces vociférations, de cette langue qu’elle comprend mal, bref de cette confusion autour d’elle et en elle. Elle fuit le marché et la ville en direction des plages. Un petit détour par Saint-Paul pour se défaire du dernier symbole de sa vie d’avant et la voici dans l’eau dangereuse de l’Océan indien. André Pangrani nous convie à nous glisser dans la peau de son personnage féminin, Quintilienne, dont on saisit l’exaspération et la lassitude. La vivacité de son écriture qui mêle sensations, images, réflexions rapportées et expressions créoles procure une vraie jubilation. Agnès Antoir |
" La France, ce devait être une blague."
Un galet dans le pare-brise de André Pangrani.
Kanyar n°1. Le jeune Antioche aimerait bien être à la hauteur des graines de kanyar qu’il côtoie dans la cour, en bas de la tour Mazagran. La nouvelle s’ouvre sur l’histoire touchante d’un événement marquant de l’enfance de sa mère ; car pour comprendre la personnalité du petit îlien, il faut remonter à la rencontre de ses parents, un métropolitain et Eliette, jeune réunionnaise. Le récit se déroule ensuite du point de vue d’Antioche. Par le biais de son observation attentive et étonnée de son environnement, à travers ses multiples sensations et émotions, découvertes et initiations, nous sommes plongés dans l’univers d'enfants des années soixante-dix. Jusqu’à ce qu’un galet dans le pare-brise de la voiture de sa mère lui fasse entrevoir la rage de vrais kanyar… Par ce récit plein d’humour, riche en images, précis de détails suggestifs et de références réunionnaises, André Pangrani nous fait partager ses souvenirs d’enfance et l’affection pour son île. Agnès Antoir |
" Allongé sur le dos, Anacharsis tenta de retourner le goût d'un jeu d'enfance, s'imaginant, en pensées fort réalistes, marcher au plafond de la chambre pour gagner le couloir."
Pioupiou de André Pangrani.
Kanyar n°2. Ce titre malicieux, presque enfantin où l’on croit entendre une onomatopée, caractérise bien l’esprit de l’épisode drolatique de la vie d’Anacharsis, jeune homme à peine sorti de l’adolescence, qui doit faire son service militaire à la caserne Lambert de Saint-Denis. Le «pioupiou» en langage militaire désigne familièrement le jeune soldat. Seulement voilà, ce jeune Réunionnais n’a nullement envie d’aller servir sous les drapeaux, il préfère nettement Bukowski, le théâtre Vollard et les jolies « tantines au nombril déor ». Il s’est donc lancé dans une extravagante stratégie pour se faire exempter… C’est un vrai plaisir de retrouver la gaieté de l’écriture d’André Pangrani, pleine de travailles savoureuses, sa manière affectueuse de mettre en scène ses personnages dans le quotidien de la vie réunionnaise. Agnès Antoir |
" Dans la jeunesse estudiantine d'Anthime, la police avait déjà cette habitude - contrôle au faciès - de lui prendre du temps."
À voix haute de André Pangrani.
Kanyar n°3. Anthime déambule dans la capitale où il a été autrefois étudiant et se prend lui aussi à parler – comme beaucoup de promeneurs solitaires de la capitale selon lui - « à voix haute », s'excrimant en joutes rhétoriques à l’adresse d'interlocuteurs virtuels. Au gré de ses promenades urbaines, Anthime croise des silhouettes familières de la vie de quartier jusqu’à ce que l’une d’elles, miroir de lui-même, le confronte à sa nouvelle manie. Une micronouvelle mêlant fantaisie légère à un brin de gravité. Agnès Antoir |
" Il aimait bien poser sa main à plat sur la touffe de Mathilde à travers le coton de sa culotte qui flottait un peu."
La joue déchirée de André Pangrani.
Kanyar n°5. Mathilde se réveille aux urgences. Les pompiers l’ont retrouvée inconsciente sur le trottoir de la prison de Saint-Denis. Mathilde, belle jeune fille saint-andréenne, ne se soucie pas de sa mère qui la veille, elle s’enfuit dans les couloirs de l’hôpital où elle meurt. Quelle rage la possède, quelle révolte lui donne cette dernière énergie fatale ? Retour en arrière sur ses premiers pas amoureux avec Johnny, le petit stagiaire du chantier d’à côté qui lui fait oublier l’école mais auxquels un sort injuste met fin. Voici la dernière nouvelle d’André, la plus triste car malgré quelques notations amusées, le début et la chute sont d’une grande violence. Cette « joue déchirée » biffe d’un trait de blessure la vie de sa jeune héroïne et nous renvoie à la mort prématurée de l’auteur. Cependant, le récit enchâssé des amours adolescentes de Mathilde et Jimmy nous fait retrouver l’écriture tendre et malicieuse avec laquelle André a toujours su nous faire partager la vie, parfois difficile, des gens ordinaires de La Réunion. Et cette fois-ci, plus que dans ses précédentes nouvelles, pour notre plus grand plaisir, André a émaillé son récit de nombreuses répliques en créole. Agnès Antoir |
Un galet dans le pare-brise : Ce recueil rassemble tous les écrits d’André Pangrani, nouvelles publiées dans la revue Kanyar, nanofictions ou textes inédits, histoires racontées d'une manière un peu décalée, avec humour et légèreté, dans une langue métissée où le créole s'immisce. S’y entrecroisent des personnages qui lui ressemblent, mais aussi des femmes, dont il sait parfaitement épouser les émotions et sentiments. On y rencontre même Le Pen, Jésus et Cate Blanchett ! À travers ces facettes de vie, de l’enfance à l’adolescence et à l’âge mûr, s’esquisse un récit d’initiation. Ces textes courts composent aussi un tableau contemporain de la vie quotidienne, des pratiques et croyances des Réunionnais à La Réunion ou en métropole. L’auteur se dévoile par ailleurs à travers des textes plus intimes, où affleurent pudiquement ses doutes, angoisses, tourments ou passions amoureuses. Une vie d’homme devenu écrivain. |
Le Major contre le gang des Canotiers blancs suivi de Pamela et les chiens rouges : parmi les premiers écrits littéraires d’André Pangrani, deux truculents feuilletons publiés sous le pseudonyme d’Alfred Lénine parus dans la revue de bande dessinée réunionnaise Le Cri du Margouillat dans les années 80 et 90, avec des dessins inédits de Li-An, Greg Loyau et Tehem. |